Est-ce que, chaque fin d’année, tu te poses la question : faut-il encore envoyer des cartes de vœux à ta clientèle et à tes partenaires ? 

Moi oui. 

Chaque année, au mois de décembre, je me creuse la tête non seulement sur le design mais aussi sur l’éco-conception d’un tel support, son impact et son intérêt. Et finalement, chaque année, je décide de le faire – plus ou moins bien. 

Pour apporter des éléments de réponse à la question, je t’emmène dans les coulisses de fabrication des cartes de vœux que j’ai envoyées ces 3 dernières années.


1. Pourquoi continuer à envoyer des cartes de voeux, le pour et le contre

Comme je le dis souvent à mes client·e·s, j’aime mettre de la conscience dans ma communication et dans le choix des supports utilisés. Soyons honnêtes : tout geste de communication a un impact, même en version numérique. Ça ne veut pas dire qu’il faut tout arrêter, mais réfléchir à ce qu’on produit et faire ses choix en conscience. Envoyer une carte de vœux papier n’est donc pas si anodin.

Les arguments « contre » qui me font douter chaque année sont :

  • Le coût de l’impression (carte) et de l’envoi (enveloppes, timbres)
  • L’énergie et les ressources utilisée pour imprimer (papier, encres, machines, etc.)
  • L’énergie et les ressources utilisée pour envoyer (transport jusque chez moi puis jusque chez les destinataires des vœux, idem pour les enveloppes)
  • Les déchets potentiellement créés (cartes non utilisées, cartes qui finiront à la poubelle chez les gens, enveloppes et timbres jetés)

À l’inverse, il y reste des arguments « pour » qui me font choisir de produire quand même ce support de communication :

  • Porter de l’attention à mes client·e·s et partenaires pour les remercier de leur confiance et de leur présence à mes côtés (même virtuelle). Cela prend du temps de créer, imprimer, emballer, timbrer, écrire à la main un message personnalisé, etc. Il ya quelque chose de très slow dans cette démarche et je crois que c’est apprécié. Pour moi il s’agit d’un acte de « customer care ».
  • Ramener du lien physique dans des relations virtuelles (la plupart de mes client·e·s et partenaires vivent ailleurs et je ne les vois qu’en visio)
  • Marquer les esprits avec une carte personnalisée et matérielle. Comme c’est devenu rare de recevoir des cartes de vœux papier, il me semble que c’est apprécié et assez remarquable. C’est une manière de sortir du lot. C’est un support qui fait vivre mon identité visuelle autrement et donc renforce mon branding.
  • Offrir quelque chose. Avec la carte, j’essaye d’envoyer un petit cadeau, quelque chose qui reste. Pas un simple goodies mais une petite attention qui soit utile et qui ne finisse pas à la poubelle (l’idée étant de ne pas créer plus de déchets). Ce n’est pas toujours réussi mais c’est ce que je tente de faire. 
3 visuels de cartes de voeux

Les 3 visuels des cartes de voeux dont je parle ici

2. Le choix du design et du support

En tant que graphiste, je m’exprime par la création visuelle, c’est donc avec plaisir que je me prends au jeu de créer un visuel original chaque année pour ma carte de vœux. 

En 2021, j’ai opté pour une illustration très simple de plante dans laquelle venaient s’intégrer les chiffres de la nouvelle année. Je l’ai fait rapidement et sans trop réfléchir, dessinée avec plaisir et légèreté. 

En 2022, j’ai opté pour un dessin à l’encre de chine fait à la main représentant des lignes courbes et créant de la profondeur, le tout dans une forme circulaire ouverte. Je voulais un dessin abstrait aux formes organiques avec de la matière, qui puisse évoquer des choses différentes à chaque personne qui le regarde.

En 2023, j’ai exploré une composition typographique minimaliste, je voulais quelque chose de plus élégant que les autres années, léger et agréable à regarder.

Pas de grands concepts, donc, mais l’envie de créer des visuels simples, esthétiques et de m’amuser dans leur création. À l’inverse de ce que je fais le reste de l’année où je dois toujours créer des choses en intégrant les besoins précis des client·e·s (et c’est OK, juste une autre démarche). 

Cela dit, je me donne quand même des contraintes puisque chacun de ces visuels a été pensé pour utiliser peu d’encre à l’impression. C’est-à-dire que je bannis les aplats de couleurs qui demandent beaucoup d’encre pour recouvrir le papier et peuvent rendre le recyclage difficile. Je choisis aussi des formats d’impression standards, afin d’éviter de créer des surplus de papier jetés.

Au niveau des supports et techniques d’impression, je mène aussi une réflexion – avec plus ou moins de réussite :

En 2021, j’ai fait imprimer mes cartes sur du papier ensemencé. C’est un papier qui contient des petites graines : on peut le couper en morceaux et le planter dans la terre, pour faire pousser des fleurs. En termes de zéro déchet, l’idée est assez brillante. Mais il y a quand même de l’énergie et des ressources nécessaires à la fabrication de ce papier, de la colle utilisée pour lier les 2 feuilles et un certain flou sur la provenance des papiers.

À voir aussi si les graines viennent du bout du monde ou si elles sont plutôt locales, si elles sont bio ou pleines d’OGM. Enfin, on peut se demander si les destinataires jouent vraiment le jeu. Certes, les retours ont été positifs et les personnes agréablement surprises par ce support. Mais ont-ils vraiment planté leur carte pour aller au bout du processus ? 

En 2022, j’ai choisi un papier recyclé 350g et j’y ai ajouté l’application d’un pelliculage soft-touch sur le recto. Cette finition permet une sensation très douce et agréable au toucher, ce qui donne un effet qualitatif à la carte de vœux. Toutefois en termes d’éco-conception, le pelliculage est problématique car il rend très difficile le recyclage du produit. Je n’en avais pas encore conscience à l’époque et je le prends en compte maintenant que je le sais. Mais on repassera pour l’impact positif.

J’avais quand même pensé cette carte en me disant que je pourrais la réutiliser toute l’année ! En effet : au lieu d’y inscrire la mention « 2022 » j’y avais sobrement écrit « merci » : je voulais une carte dont l’usage ne soit pas limité à la nouvelle année et que je pourrais utiliser à la fin de chaque contrat ou partenariat. Spoiler : je ne l’ai pas fait. J’ai donc autosaboté mon propre concept et je reste avec un stock de carte sous le bras. Dommage. Cela dit, je peux encore les utiliser, elles ne périment pas. Tout n’est pas perdu.

Et en 2023, j’ai réalisé un fantasme de longue date : faire imprimer une carte en Letterpress. C’est une technique d’impression en tons directs qui permet d’imprimer en creusant les formes dans le papier. Ça fonctionne sur des papiers bien épais, et ça donne des détails vraiment intéressants à l’objet imprimé. Ça ajoute de la matière, de la texture, du relief… Bref, une vraie sensation physique autant qu’esthétique. J’aime cette idée dans le but de sortir des relations virtuelles que j’entretiens la plupart du temps. Il faut savoir quand même que chacune des couleurs du visuel nécessite un passage en presse, ce qui peut vite faire monter le prix de l’impression. J’ai donc conçu le visuel en une seule couleur.

Sur ce point, c’est intéressant de voir que la contrainte financière m’a permis de renforcer un choix d’éco-conception : utiliser peu d’encre et limiter les passages en presse. La carte est imprimée sur un papier blanc naturel 500g, issu de forêts gérées dans le respect de normes environnementales strictes avec la certification FSC, ce qui me semble être le minimum syndical…

Pour réaliser cette impression j’ai fait appel à un atelier spécialisé en letterpress, situé à Paris. Une manière de valoriser le savoir-faire d’un atelier local plutôt que de faire imprimer par un gros service en ligne. Et cette idée me plaît bien.

3 cartes de voeux papier

Les 3 cartes de vœux imprimées

3. Choisir un cadeau qui a du sens

En 2021, la carte était un « cadeau » en elle-même puisqu’elle pouvait se planter et se transformer en fleurs. Double emploi et validation de l’objectif de limiter les déchets (avec quelques nuances, comme je le dis plus haut).

En 2022, j’ai commandé des biscuits personnalisés chez Shanty Biscuits. C’est un cadeau qui peut être mangé donc ne constituera pas un déchet. Par ailleurs cette entreprise fabrique ses gâteaux de manière responsable et met de la conscience dans toute sa chaîne de production. J’étais donc assez contente de ce choix de produit aligné avec mes valeurs. Toutefois, les biscuits n’ont pas bien vécu le transport et la plupart sont arrivés en miettes chez leurs destinataires. C’était donc un peu gâché et, au final, peu glorieux comme effet (recevoir un biscuit en miettes dont on n’arrive même pas à lire le message…).

Cette année, en cadeau, j’ai décidé d’offrir des mini-savons artisanaux de la marque Savons de Saison. Cette super savonnière a une démarche engagée et écologique dans la fabrication de ses savons. J’aime l’idée de mettre en avant ses produits et son savoir-faire (et puis, j’avoue, c’est une très bonne amie). Les retours sont positifs, tout le monde utilise du savon pour se laver les mains, il me semble que ça ne sera pas un objet jeté ! Je suis ravie de ce choix.

J’ai quand même un regret : j’ai fait imprimer des petites cartes avec la mention « fabriqué par Savons de Saison » car les savons n’avaient pas d’emballage. Je ne voulais pas qu’ils abîment la carte de vœux et je voulais évidemment mentionner la savonnière. J’ai donc fait imprimer – sur un papier recyclé – un visuel sobre utilisant peu d’encre… Mais comme je m’y suis prise au dernier moment j’ai fait imprimer ces petites cartes via un service d’impression en ligne qui n’a pas vraiment de démarche ni d’engagement fort. De plus, je me retrouve malheureusement avec un surplus de cartes qui iront à la poubelle car les quantités d’impression minimum étaient supérieures à mon réel besoin. Encore une fois : j’ai un peu autosaboté ma démarche… 

4. Bilan

Le bilan est mitigé, il faut bien l’avouer. Et ce n’est pas parce que j’ai « pensé éco-conception » que j’ai réussi à limiter mon impact avec ces cartes de vœux !

En écrivant ces lignes, je me rends compte de tous mes faux-pas et de mes échecs. Malgré une réflexion sincère et une volonté de bien faire, je dois admettre qu’il y a beaucoup de choses qui n’ont pas marché ou qui ne respectent pas mes valeurs. 

Certes, le bilan n’est pas 100% dramatique et ce n’est pas moi, avec mes 50 petites cartes imprimées par an, qui ferai exploser la planète… Mais ça ne m’empêche pas d’apprendre et de chercher à m’améliorer. Je prends conscience de mes erreurs et de tout ce que je peux faire mieux dans le futur. Cela me sert aussi pour mieux conseiller mes client·e·s par la suite.

L’équilibre entre l’envie de nourrir une relation de qualité avec mes clients et l’envie de limiter mon impact est difficile à trouver. Au nom de l’écologie, faut-il cesser toute communication et devrait-on arrêter de s’envoyer du courrier ? Je ne sais pas. Faut-il délaisser un aspect aussi important que les petites attentions portées aux autres et le fait de vouloir prendre soin de nos relations ? Je ne sais pas.

Tu l’auras compris, je suis loin d’être irréprochable et je n’ai pas vraiment de réponse à la question initiale. J’espère juste que ma transparence et mon retour d’expérience t’aideront à te poser des questions sur la conception de tes supports de communication et leur impact.

Et toi alors, qu’en penses-tu ? Faut-il encore envoyer des cartes de vœux ?

Si tu veux en discuter avec moi tu peux m’écrire via ma page contact ou sur Instagram.